Pourquoi proposer des recueils de poèmes aux enfants...

Pourquoi proposer des recueils de poèmes aux enfants...

… et pas seulement des anthologies ou photocopies

Proposer des anthologies ou des photocopies de poèmes aux enfants a un aspect pratique en classe, cependant il serait dommage de les priver des poèmes “dans leur recueil” (selon l'expression de Jean-Pierre Siméon) car :

  • un poème dans une anthologie et dans son recueil n'a pas la même saveur, il peut même parfois prendre un sens différent,
  • la meilleure anthologie est celle que l'on se construit soi-même, laissons les enfants construire la leur !
  • dans la même idée, ne proposer que des citations ou extraits, cela revient à proposer notre filtre, qu'auraient-ils choisis eux-mêmes ?
  • un livre, ce n'est pas seulement un texte, c'est un façonnage, un choix de papier, de format, une organisation, des illustrations éventuelles, bref un tout !

De la même manière que les émotions ressenties devant un tableau original ou sa reproduction imprimée seront probablement différentes, être en contact avec le poème dans son recueil ou sa version copiée/imprimée n'aura pas le même effet. Profitons du fait qu'il soit plus facile de mettre un livre entre les mains d'un enfant qu'un tableau original ;-)

Exemple : Hélène Cadou

Le mari d'Hélène Cadou est décédé à 31 ans.  Son poème Déjà je ne trouve plus ton visage reflète sa douleur.

  • Dans l’anthologie Quand on n’a que l’amour (Editions Bruno Doucey), le poème y est intégré dans une sélection sur l’amour blessure : c’est un instantané, une perception de l’autrice sur sa vie, comme une photographie.
  • Dans le recueil, Le bonheur du jour suivi de Cantate des nuits intérieures  chez le même éditeur, le poème est intégré à l’histoire de l’autrice, l’axe temporel y est plus large, comme dans un film. D'ailleurs il s'agit du regroupement des 2 premiers recueils de l'autrice dont le 1er a été publié pour la 1ère fois en 1956 et le 2ème en 1958 par Pierre Sehgers. 2 années sont passées…

Si dans les 2 environnements on ressent sa douleur de la perte de l’être aimé, le poème dans l’anthologie s’arrête sur le désespoir voire sur l’envie de mourir alors que le poème dans le recueil en fait un passage qui n’empêchent ni l’espérance ni la vie.

C’était lui dans le vent glacé

Je vous dis qu’il vient de passer

C’est encore elle qui l’entraîne

Il faut me laisser m’en aller

(...)

Mais laissez laissez-moi aller
Il est là de l’autre coté
Peut-être qu’il aurait bien froid
Toute une éternité sans moi !

Extrait de Le bonheur du jour, p. 36

Ô mes enfants de tous les coins du monde (...)

Il ne faut pas mourir

L’aube encore une fois va naître

Sur terre il restera toujours une espérance infime

A découvrir.

Extrait de Cantate des nuits intérieures, p. 93